Ashley

J’ai immigré au Québec en octobre 1999. Cette année marque également mon premier souvenir douloureux avec le racisme. Alors que j’étais en classe d’accueil, tous les jours, d’autres jeunes caucasiens se moquaient de ma couleur de peau allant jusqu’à la comparer à celle de leurs selles. Dès l’âge de 6 ans, j’avais honte de cette mélanine qui semblait précéder tous mes pas dans chaque pièce que j’occupais. Ce sentiment a éveillé une crainte irrationnelle du rejet. Par peur de ne pas être acceptée, j’ai cautionné silencieusement les microagressions de connaissances, de professeurs, de collègues et d’amies. Effectivement, j’ai été stigmatisée dans plusieurs sphères sociales à prédominance caucasienne, entre les propos désobligeants sur mon teint de peau foncé et mes cheveux naturels, les compliments remplis de préjudices, voire les insultes racistes. J’ai été celle qui était trop articulée pour être une immigrante et qu’on appelait oréo, comme étant blanche de l’intérieur bien que noire de l’extérieur, de par mes intérêts, mon caractère et mon éducation.

Le racisme au Québec est insidieux et il porte de lourdes conséquences. Même après 21 ans, je suis quotidiennement exposée à des biais de préjugés implicites, structurels et explicites qui me génèrent énormément de stress et me donne l’impression d’être une citoyenne de seconde classe. Pour ne citer que quelques exemples, j’ai vécu du profilage racial de la part des policiers, et ce même dans le cadre de mon travail. À une instance, la police s’est présentée pour protéger mon oppresseur caucasien de moi, avant même d’être mise au fait de la situation, parce que je semblais menaçante. En outre, je me suis fait refuser deux emplois, et ce avant même de passer l’entrevue parce que mon apparence ne s’alignait pas sur mon CV, surtout qu’y apparaissaient des prénoms atypiques pour une femme issue de la communauté haïtienne. Puis, il y eu a la fois où j’ai été interrogée par un professeur sur les gangs de rue, partant de la prémisse que j’étais la seule étudiante de couleur et que je résidais à Montréal-Nord.

Pourtant, lorsque je me confie sur mon expérience avec le racisme, je suis continuellement invalidée dans mes sentiments. En tant qu’infirmière clinicienne et étudiante à la maîtrise praticienne spécialisées en santé mentale, je suis très consciente du trauma racial et de ses répercussions sur la santé mentale et physique de ma communauté. D’où l’importance de ce mouvement vers l’inclusion sociale, puisqu’il permet d’ouvrir le dialogue sur ces enjeux et de créer un espace de partage sécuritaire.