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"Nous nous allierons pour lutter pour un meilleur monde, pour un meilleur Montréal."

C’est dans le ciel, à bord d’un avion, que j’étais enfin soulagée de quitter Montréal définitivement et de savoir que je n’allais plus y remettre les pieds. J’étais en direction d’une nouvelle terre d’accueil, un endroit où il faisait simple de vivre, un territoire sans zizanie. Là-bas, je savais très bien que notre existence n’allait pas être mise en doute, notre personne n’allait pas être sujette à débat, notre corps et nos choix n’allaient pas être soumis à des conversations sociétales et politiques. Ma mère répétait souvent « là-bas, ce ne sont pas les mêmes débats ». Ma famille et moi étions en route vers « The Best Place On Earth », plus connue sous le nom de la Colombie-Britannique.

Les débats montréalais portant sur les signes religieux en 2007, notamment le voile et la femme musulmane, nous avaient suffoqués, épuisés et laissés sans énergie. À force de militer et de lutter pour avoir le droit de vivre, nous avions fini petit à petit par mourir. En 2008, nous nous sommes installés à Vancouver et le climat météorologique, social, et politique était sain et rafraîchissant. Cependant, la ville de Vancouver était si différente de Montréal : les quartiers, les écoles, les maisons, les routes, les trottoirs, le centre-ville, les gens, le bus, le métro, les égouts (oui les égouts).

Un an plus tard, nous étions de retour à Montréal. Cette ville, nous l’aimions tant, malgré tout. La lutte devait continuer et nous allions continuer à la mener, n’en déplaise à ceux qui veulent nous effacer du paysage montréalais. Après cette année passée à l’autre bout du Canada, les membres de ma famille ont repris leurs activités militantes et continuaient à militer dans différentes sphères de la société. Quant à moi, j’avais le droit aux commentaires ignobles de la part de mes professeurs au secondaire. Je me rappelle souvent ce que ma professeure de français m’avait dit le dernier jour de mon secondaire. Elle s’approcha de moi, me prit dans ses bras en me chuchotant dans les oreilles « j’espère que tu ne seras pas comme ta mère ».

Ma mère qui était dans toutes les tribunes pour militer contre le racisme et l’islamophobie. Ma mère, une femme qui utilisait sa voix pour contrer la narration coloniale qu’on se permet de construire sur les femmes musulmanes. Ma mère, une militante, femme insoumise, féministe, anticolonialiste, qui ne restait jamais silencieuse face aux propos des oppresseurs et des white saviors cravatés. Ma mère répugnait ceux qui voulaient voir la femme musulmane silencieuse, dont mon ancienne professeure. Sa présence et sa voix les dérangeaient.
Nous, femmes musulmanes, femmes noires, femmes autochtones et femmes racisées, ne resterons pas silencieuses. Nous nous allierons pour lutter pour un meilleur monde, pour un meilleur Montréal. Rappelez-vous souvent de ce que Audre Lorde nous a dit : “Your silence will not protect you”.