Danny

VINGT-QUATRE ans. C’est l’âge auquel j’ai réalisé les choses dont je m’apprête à parler. À cet âge, j’ai réalisé qu’en grandissant dans le quartier de Rivière-des-Prairies, où j’ai passé mon enfance, j’ai eu de la misère à m’identifier à mon entourage depuis un très jeune âge. Jeune Noir un peu ‘’GEEKY’’, mais qui connaît également très bien le ‘’HOOD’’ et son entourage, j’ai eu la chance d’avoir des amis de toutes les cultures qui m’ont permis d’avoir un esprit ouvert et une curiosité exponentielle pour tout. Cependant, même au sein de ce groupe, j’ai dû faire face à une réalité qui est vraie pour beaucoup d’entre-nous. J’étais (et suis toujours) Noir.

J’avais donc quelque chose à prouver dès le départ. Prouver que j’étais civilisé, que je savais me tenir, que je n’étais pas violent et que mes parents étaient présents dans ma vie et que je ne vagabondais donc pas les rues même à l’âge de 11 ans. Je me souviens très clairement des regards, de l’aura (j’imagine que vous savez de quoi je parle) qui accompagnait chacune de mes interactions avec ces adultes qui, au lieu de voir une innocence dans le rire d’un jeune Noir, voyaient plutôt un risque de mauvaise influence pour leurs enfants.

Non, je n’ai pas eu le genou sur le coup comme ‘’George Floyd’’, mais je l’ai eu sur mes émotions tout au long de mon enfance. Pas plus vieux que 12 ans, en route chez moi avec deux amies Blanches, deux policières nous interpellent pour savoir si tout va bien. Répondant que oui, je me fais promptement interrompre par la conductrice qui me lance :

« Ce n’est pas à toi que je parle, le Noir, mais aux deux autres ». Le tout comme si j’étais un proxénète en devenir. Ces mots resteront avec moi toute ma vie, jusqu’à l’âge de 24 ans, où je réalise vraiment à quel point cette situation était grave.

Est-ce que je me sens à ma place dans la société québécoise ? Je pense que j’ai une place, mais qu’elle est destinée à être un moi réduit qui ne se sent réellement à l’aise que quand je reste dans notre p’tit coin de Montréal; Et là encore… Je ne pense pas que la société québécoise est volontairement raciste, mais je crois que l’ignorance, l'acceptation et le silence face à certains comportements ralentissent définitivement l’évolution vers une société québécoise plus sensible et ouverte à la réalité de TOUS ses québécois de souche.