Myriam O.

Le petit bonhomme s’affiche, je traverse la rue, je suis dans mes droits, c’est mon feu. Tu attends que j’aie fini de traverser pour pouvoir faire ton virage, mais ça a l’air que je suis trop lente pour toi. Tu me klaxonnes sans arrêt, tu t’approches dangereusement de moi. Tu es à quelques centimètre de moi, tu me hurles et me traite de sale négresse et autres calamités.

J’ignore tes insultes et à tes provocations, je garde ma tête froide et haute, comme ma mère me l’a appris. Je finis de traverser, tu peux enfin tourner, je décide de ranger l’incident dans ma tête et de passer à autre chose. Mais je n’y arrive pas, je m’écroule et je fonds en larme.

Ça fait à peine une semaine que la vidéo du meurtre d’Ahmaud Arbery est sortie. Oui, je parle de cet homme Noir qui est mort sous le coup de balles alors qu’il faisait du jogging, sous prétexte qu’il était Noir. Et je sais ce que tu te dis, que ça n’arrivera jamais ici, pas dans cette société. Ben moi je n’arrête pas de me dire j’aurais pu mourir parce que je suis une sale négresse.

Je suis née à Montréal. J’ai vécu toute ma vie ici. Par contre, ça ne te semble pas suffisant pour voir au-delà de ma couleur de peau. Oui, je suis fière de mes origines, de ma peau, de mon histoire. Je l’explore avec passion à travers la danse, la spiritualité et l’histoire et j’aimerais te dire que je partage cette même affection pour la terre qui a accueilli mes parents. Mais en ne percevant que ma couleur, mes cheveux, mon accent, tu me fermes les portes et tu m’empêches de te montrer que je te berce dans mon cœur. Tu m’empêches de laisser ma marque au sein de ton histoire, de ta société.

Et le pire, c’est que tu es également le premier à me faire remarquer que je ne coche pas les cases du stéréotype. À tes yeux je suis soit une bonne Noire, parce que je ne traîne pas dans la rue, parce que je n’ai pas d’accent, parce que je suis civilisée, polie, cultivée, soit une fausse noire pour les mêmes raisons.

Est-ce que tu es raciste ? Oui. Par ton histoire, les fondements de ta société, de ton système, quand tu décides d’utiliser ton pouvoir, ta violence, ta brutalité pour étouffer mes frères et soeurs, oui tu l’es. Est-ce que tu peux changer ? En écoutant ma voix et celle des autres, de tous ceux qui s’élèvent pour scander Black Lives Matters, en t’éduquant, en admettant tes erreurs et en apportant des changements significatifs, j’ai espoir que oui tu peux changer. Que tu puisses grandir, mûrir et en apprendre plus sur l’ouverture afin de permettre à mes descendants de pouvoir de se sentir réellement accueillis.

Mais tout ça dépend de toi.