Senaya

Témoignage
« Quand je suis arrivée en 1993-1994, il y avait des logements à louer partout. Ça m'a vraiment marqué, »

« Tu sais, pour moi, Montréal qui avait beaucoup de potentiel et qui en a encore aujourd'hui. Mais j'avoue que... je pense que Montréal n'a pas encore atteint tout son potentiel, » confie Senaya.

Dans les années 90, les logements étaient abondants et accessibles. « Quand je suis arrivée en 1993-1994, il y avait des logements à louer partout. Ça m'a vraiment marqué. Tu te rendais compte qu'il y avait des pancartes "À louer" partout. Dans une rue, il y avait des pancartes au 10, 20, 30, 40, tout le long. Tu sonnais à la porte, et paf, on te répondait.  ». Mais aujourd'hui, ce tableau idyllique a cédé la place à une réalité bien plus sombre. Le taux d'inoccupation à Montréal a chuté à 1,5 %, loin du taux équilibré de 3 % (1). L'offre se réduit, et le marché est désormais dominé par les profits.

Une crise du logement sans précédent

De plus, la liste d'attente pour un logement subventionné à Montréal dépasse 15 000 noms, et il peut falloir des années pour obtenir une place

Les chiffres sont clairs : avec un taux d'inoccupation historiquement bas, des loyers en hausse, et des expulsions en forte augmentation, atteignant un record en 2022 avant de grimper de 135 % en 2023 selon un rapport du RCLALQ (2). « Il y a une crise du logement à Montréal, et je me rends compte qu'on a donné le gros bout du bâton aux propriétaires. Autour de moi, j'ai vu trop de gens, et je vois encore trop de gens, se faire évincer de leur appartement » . Ce qui n'était autrefois qu'un logement est devenu une transaction purement commerciale. « Pour eux, c'est juste une transaction. Mais pour nous, c'est notre foyer. » 

Les causes de cette crise sont multiples : spéculation immobilière, manque de logements sociaux, et une réglementation inadéquate. Pendant ce temps, les loyers augmentent à un rythme alarmant, atteignant 7,7 % en moyenne, voire 10 % pour les nouveaux locataires (3). De plus, la liste d'attente pour un logement subventionné à Montréal dépasse 15 000 noms, et il peut falloir des années pour obtenir une place (4). Pire encore, 61 % des logements à faible revenu de la ville sont en mauvais ou très mauvais état (5). Mais au-delà des statistiques, c'est l'aspect humain de cette crise qui frappe le plus durement Senaya: . « J'ai l'impression qu'il y a un aspect de plus en plus déshumanisant, qu'on oublie de plus en plus l'être humain, ».

Une machine déshumanisante

Pour de nombreux locataires, la lutte pour conserver leur logement ressemble à une bataille perdue d'avance contre un système impitoyable. « C'est comme si tu étais contre une machine. Le gouvernement, les propriétaires, les juges... tous semblent nourrir cette machine. Et tu te demandes : est-ce qu'il y aura vraiment une justice ? ». La pression financière, combinée à l'insécurité du logement, rend la vie de plus en plus difficile pour la classe moyenne. « On te on te dépouille. On essaie de te dépouiller de ce qui fait que tu puisses avoir une vie. Une vie juste normale. Donc qu'est-ce que ça fait ? Ça te fout un coup au moral. Qu'est-ce-que ça fait ? Ça te fait tomber en dépression. Qu'est-ce que ça fait ? Ça te rend malade. Qu'est-ce que ça fait ? Ça te tue à petit feu.».

Un espoir inattendu à l'Oratoire Saint-Joseph

« Le jour où j'ai reçu la lettre du propriétaire du bâtiment dans lequel j'habite, qui me parlait de soi-disant rénovations temporaires, je l'ai très mal vécu. J'ai ressenti cela comme une grande tristesse, tu vois. J'étais vraiment morose, alors je me suis dit : "Bon, je vais aller me changer les idées”. » Elle a décidé de se rendre à l'Oratoire Saint-Joseph.

« Quand je suis arrivé à l'Oratoire, là où nous sommes en ce moment, j'ai vu cette statue du pèlerin. Et quand j'ai regardé cette statue, tu ne vas pas me croire, mais j'ai eu l'impression qu'elle m'appelait. Je me suis dit que ce n'était pas un hasard que je sois venu ici. » La sculpture monumentale qu'elle a contemplée, Angels Unawares (Anges inconscients), est une œuvre puissante qui fait référence au devoir d’hospitalité et de solidarité de tout être humain. Elle représente des enfants, des femmes et des hommes d’origines et d’époques différentes, entassés sur un bateau, symbolisant les vagues de migration à travers l'histoire. L'artiste a voulu mettre en lumière le courage, la détermination, mais aussi les épreuves, les joies et les peines des personnes forcées de quitter leur pays, souvent avec l'espoir de trouver une vie meilleure ailleurs. 

Recommendations
Nos recommandations visent à offrir un accès équitable au logement pour les personnes racisées qui font face à la crise du logement et à des enjeux territoriaux à Montréal. Elles sont fondées sur les expériences vécues par les Montréalais et soulignent la nécessité de réformes qui éliminent les obstacles rencontrés par ces communautés.
R1. Que le gouvernement provincial impose un gel temporaire des augmentations de loyers afin de soulager les locataires durant la crise du logement.

Cette mesure permettrait de stabiliser les coûts pour les résidents et d’offrir une sécurité financière, surtout dans un marché où l'accès à un logement abordable est extrêmement difficile.

R2. Que les gouvernements municipal et provincial interdisent les rénovations non urgentes ou non essentielles durant la crise du logement.

Seules les rénovations liées à des risques de sécurité, tels que les problèmes électriques ou de structure, devraient être autorisées. Cette interdiction vise à freiner les "rénovictions", où des travaux sont utilisés comme prétexte pour évincer les locataires.

Découvrez d'autres témoignages